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Infolettre

À la découverte de l'urbanisme culturel

Pour rappel, les organismes Ateliers créatifs Montréal et Manœuvres ont été les lauréats de l’appel à projet de la Ville de Montréal pour la requalification de l’ancienne tour d’aiguillage Wellington (sur le bord du canal Lachine). Ce projet lauréat consiste en l’ouverture d’un lieu multidisciplinaire de recherche, de création et d’action sur l’espace public; lieu ouvert aux citoyens, artistes, chercheurs et professionnels de l’aménagement.

Le projet immobilier est pour le moment en attente car le bâtiment est situé sur la zone de travaux du réseau express métropolitain (REM). Pour autant, l’équipe de Manœuvres reste active! En 2019, deux projets ont été lancés : la réalisation d’un manifeste sur l’espace public et un partage d’expertise avec le POLAU, un organisme français dédié aux projets au croisement entre création et aménagement des territoires.

Ce projet avec le POLAU est un échange socio-culturel de savoirs et d'expertises sur l'urbanisme culturel; l'urbanisme culturel étant une approche rare au Québec, initiée en France par le POLAU, à la croisée entre création artistique et aménagement urbain. L'objectif général du partenariat entre Manœuvres et le POLAU est d'étudier, d'expérimenter, d'enrichir et de partager cette nouvelle approche de l'aménagement des territoires.

La première étape de cette collaboration a été l’organisation d’une résidence de recherche en mai dernier au "Point Haut, lieu de création urbaine» à côté de Tours en France. Les trois co-fondateurs de Manœuvres, Pauline Butiaux, designer urbain, Samuel Guimond et Pierre-Luc Fillon, architectes, étaient accompagnés pour cette résidence de Carla Rangel, designer, et de Mélanie Courtois, chargée de développement pour Ateliers créatifs Montréal. La participation de Mélanie à ce voyage reposait sur plusieurs motivations : l’implication d’ACM dans le développement du projet de la Tour d’aiguillage bien entendu mais aussi son intérêt personnel et professionnel pour les (nouvelles) façons de faire dialoguer la création artistique et le développement social urbain.

Les participant-e-s à cette résidence ont eu un programme dense : temps de partages d’expertise avec l’extraordinaire équipe du POLAU, rencontres avec des artistes et autres professionnels qui mettent en œuvre des démarches centrées sur cette approche plurielle. Les enseignements ont été nombreux! Autant en termes méthodologique qu’au regard des plus-values et des difficultés de mettre en œuvre ce type d’approche.

De façon générale, le constat principal de la résidence a été que la notion d’urbanisme culturel est une réponse à des transformations dans les sphères de l’aménagement et de la création artistique. Comme le relève le POLAU dans le Plan-guide (tome 1), les outils et méthodes historiques d’aménagement sont de moins en moins adaptés au monde contemporain, ils sont souvent en décalage avec les usages et les usagers, « désynchronisés du quotidien et de l’actuel ». D’un autre côté, la création a quant à elle une tendance à sortir des lieux dédiés à l’art. La notion d’urbanisme culturel renvoie donc à la rencontre de ces processus transformatifs, rencontre dans laquelle la création artistique s’invite dans le processus d’aménagement et non uniquement en tant que finalité. Le regard de l’artiste sur le territoire est croisé avec celui de l’architecte, de l’aménageur et du citoyen en amont, ce qui diffère des projets d’art public ou de diffusion dans l’espace public.

Le projet HQAC (Haute qualité artistique et culturelle) illustre ce type de processus. Initiée par l’artiste Stefan Shankland, artiste qui a été en résidence sur le chantier de la zone d’action concertée (projet de réhabilitation territoriale) à Ivry-sur-Seine (en région parisienne). Pendant plus d’une dizaine d’année, une équipe pluridisciplinaire a impliqué des professionnels de l’urbanisme, des artistes, des habitants et usagers, des étudiants et des chercheurs, les services de la ville et des entreprises. La démarche HQAC a ancré la création contemporaine dans le territoire (création d’œuvre d’art collective, ateliers etc.) et a également été un outil pour les entreprises souhaitant s’impliquer différemment et pour les pouvoirs publics à la recherche de nouvelles formes de gouvernance. Plus d’informations sur ce projet sont disponibles sur le site de Stefan Shankland ou sur le site de la ZAC.

Ce type de démarche n’est pas unique à la France, on peut notamment citer à Montréal le cas des travaux de réaménagement du square des Frères-Charron entre 2005 et 2008. La Ville de Montréal avait alors constitué une équipe pluridisciplinaire dans laquelle se trouvait notamment l’artiste visuelle Raphaëlle de Groot. On retrouve une démarche similaire à la notion d’urbanisme culturel puisque« l’intention était avant tout d’intégrer le point de vue et l’expertise de l’artiste dans le processus global de conception ». Ce qui a toutefois été pointé par les participants de la résidence au POLAU, c’est que ces processus pourraient être déployés à Montréal avec une plus grande ampleur (ne pas se limiter à un projet-pilote) et aussi bénéficier de méthodologies existantes. Ce mouvement est d’ailleurs loin d’être marginal puisqu’on le retrouve sous la terminologie de « creative placemaking » dans l’Amérique du nord anglophone (Canada et États-Unis).

Chose certaine l’équipe de Manœuvres et ses collaborateurs souhaitent partager leurs apprentissages avec d’autres acteurs montréalais! Et prolonger le partage d’expertise avec l’équipe du POLAU qui sera à son tour en résidence et se déplacera à Montréal lors de l’été 2020. Suivez l’avancement du partenariat avec le POLAU ou la création du manifeste sur l’espace public sur le site internet de Manœuvres.

Ce projet d'échange d'expertise est soutenu par le ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française, dans le cadre de la Commission permanente de coopération franco-québécois